La connaissance des paramètres océaniques issus de nos systèmes d’océan virtuel, et distribués dans le cadre du Copernicus Marine Service* nous aide à comprendre le comportement des tortues marines juvéniles pour mieux les protéger.
Une étude sur ce sujet, co-écrite par un scientifique de Mercator Océan International, a été publiée ce mois-ci dans Frontiers in Marine Science. L’utilisation de nos données, diffusées via les canaux du Copernicus Marine Service montre que les eaux riches en nourriture du Golfe de Gascogne peuvent être une tentation mortelle pour les petites tortues pendant l’hiver.
L’Aquarium de La Rochelle sauve et réhabilite les tortues de mer depuis des décennies. Pour s’assurer que les tortues ont les meilleures chances de survie après avoir été réintroduites dans la nature, l’aquarium a récemment entrepris de comprendre où elles se sont rendues après leur libération.
L’étude a utilisé des données de suivi et d’observation par satellite pour déterminer si le golfe de Gascogne est un piège écologique ou un habitat favorable aux jeunes tortues de mer. Elle a révélé que si les grandes tortues (et donc probablement les plus âgées) nagent vers leur lieu de naissance en Afrique ou aux États-Unis après avoir été relâchées, les petites tortues (et probablement les plus jeunes) peuvent être piégées dans des eaux plus froides pour l’hiver.
Légende photos: Tortue relâchée par l’Aquarium de La Rochelle.
Crédit : Oceane Cottier et Arthur Paré/Aquarium La Rochelle
« Les données de Copernicus Marine ont été utilisées pour obtenir des informations sur les courants océaniques, la température de l’eau et l’abondance des proies le long des trajectoires des tortues. Cela nous a permis de relier les schémas de déplacement des tortues à ces facteurs océaniques, ainsi qu’à la taille et à la masse des tortues », explique Philippe Gaspar, co-auteur de l’étude et chercheur senior chez Mercator Ocean International.
Lorsqu’elles sont prêtes à se reproduire, les tortues plus âgées retournent sur leur lieu de naissance. Les jeunes tortues, quant à elles, ont pour priorité de grandir et de se développer. Cela pourrait expliquer pourquoi les petites tortues ont tendance à rester dans le golfe de Gascogne, riche en nourriture, après avoir été relâchées.
« L’analyse conjointe des courants océaniques et des trajectoires des tortues montre que les petites tortues ne suivent pas passivement les courants mais nagent activement pour rester dans cet habitat favorable », explique Philippine Chambault, de l’Aquarium de La Rochelle, première auteure de l’article.
« Les eaux du Golfe de Gascogne sont particulièrement froides pendant l’hiver, moins de 10°C, et cette zone est donc supposée être en dehors de l’aire géographique des tortues. Nos observations suggèrent que, bien que les tortues puissent visiter cette zone pour chercher de la nourriture, elle peut être un piège écologique pour les très petites tortues qui peuvent souffrir d’hypothermie pendant les mois froids », a déclaré Philippe Gaspar. « La température corporelle d’une tortue est largement contrôlée par la température de l’environnement, et les températures inférieures à 10°C sont souvent mortelles. »
INTERCOMPARAISON COURANT/TRAJECTOIRE
Légende: « Vitesse et direction des courants dans le Golfe de Gascogne (à gauche, en vert) et des tortues (à droite, en rouge), montrant que les tortues nagent dans la direction opposée aux courants. » Crédit : Chambault et al. (2021). Source des données : Copernicus Marine Service/Mercator Ocean International.
Les résultats de l’étude confirment le rôle crucial des centres de réhabilitation et la nécessité de donner la priorité à la conservation des tortues.
« Ces résultats ont des implications importantes pour la conservation des tortues », ajoute Florence Dell’Amico, coauteur de l’étude, qui s’occupe des tortues marines à l’Aquarium de La Rochelle. « Les cartes de leur aire de répartition écologique doivent être mises à jour, et les résultats de cette étude peuvent aider à planifier des stratégies de réhabilitation et de relâchement efficaces pour les tortues sauvées de cette zone. »
Philippe, Philippine, Florence et leurs collègues utilisent maintenant les données de Copernicus Marine pour optimiser le processus de relâchement des tortues. En particulier, ils cherchent à savoir si le taux de survie des tortues relâchées pourrait être amélioré en modifiant le moment ou le lieu où elles sont relâchées.
Légende: Données cartographiées de Copernicus Marine montrant la biomasse du micronecton épipélagique, de petites créatures marines que les tortues aiment manger. Le micronecton était l’un des facteurs pris en compte dans cette étude. Crédit : Copernicus Marine Service/Mercator Ocean International.
Philippe conclut : « Un tel travail ne pourrait pas être réalisé sans les données de Copernicus Marine. Si vous voulez connaître l’océan, partout et à tout moment, c’est le meilleur endroit où aller. »
* Lien vers le catalogue de produits Copernicus Marine.